L'histoire de DNA : Alcantara II, le terroriste !

12/08/2020 - Grand Destin
 Il était devenu si méchant qu'il mourut à 22 ans des suites d'une crise folie furieuse. Grand champion avant de devenir une star au haras, Alcantara II terrorisait litteralement ses adversaires et son entourage. Thierry Grandsir se délecte de ce destin d'un crack oublié.

  
ALCANTARA II (1908-1930), par Perth et Toison d’Or (Le Sancy)

 
 
Une pratique ancienne, qui n’est plus d’usage aujourd’hui, consistait à adosser un numéro au nom d’un cheval pour le distinguer de ses homonymes. C’est ainsi que Nijinsky devint Nijinsky II à son arrivée aux USA, idem pour Sea-Bird II, War Dance II, Aquatinte II, Venture VII, etc. Un autre foal ayant été déclaré sous le nom Alcantara (= pont en langue arabe), évocation d’un village espagnol d’Estremadure,le deuxième sur la liste fut baptisé Alcantara II, poulain bai brun élevé par le Baron de Rothschild et né en 1908 des œuvres de Perth et de Toison d’Or.
 
 
 
 
Si certains chevaux deviennent méchants suite à de mauvais traitements, tel Desert Style par exemple, d’autres naissent ainsi (rappelons que dix-neuf gènes participent à la définition du tempérament d’un cheval). Le caractère irascible de Alcantara II était clairement l’héritage de sa lignée mâle : une authentique terreur !
 
Son ancêtre direct était Galopin, dont nous vous avons déjà conté l’histoire. Pour mémoire, ce cheval n’avait pas couru après son succès dans le Derby car un médecin l’avait interdit, son propriétaire étant dangeureusement cardiaque. Galopin devint le père de Galliard, dont la courte victoire dans les 2000 Guineas St. (Gr.1) en 1883 provoqua un infarctus fatal à son propriétaire, le Prince Batthyany. Ironie du sors…
 
 
 
 
  
La victoire de GALLIARD dans les Guinées cause le décès de son propriétaire…

 
 
Galliard n’était pas plus simple à gérer que son fils War Dance II, importé yearling en France et performer honnête avant de produire deux vainqueurs du Prix du Jockey Club (Gr.1) dont Perth, un petit cheval plein d’espèce qui se classa trois fois tête de liste des pères de gagnants.Perth transmettait à la fois de la force, de l’élégance, une grande finesse de tissus, de la tenue, une action souple et rasante et … du caractère.
 
 
 
 
PERTH, le père de ALCANTARA II, au Haras de Nonant-le-Pin.
 
 
Pur produit de son père,Alcantara II était lui aussi un cheval de petite taille, longiligne et doté d’une action très fluide. Prometteur à 2 ans après ses trois succès dont le Prix Eclipse (Gr.3) et sa place de troisième dans le Prix de la Salamandre (Gr.1), il tourna au vinaigre à 3 ans…
 
Ingérable au box, ingérable au travail, et surtout ingérable en courses :tirant double, dérobant sans cesse, il n’hésitait pas à se jeter sur ses adversaires pour les mordre en plein galop... Ses défaites en début de saison ayant eu pour cause une tactique attentiste,on lui mit les œillères pour le courir tête et corde. N’ayant ainsi plus de cheval à agresser à ses côtés, Alcantara II pouvait développer sa grande action et imposer sa classe. Une véritable terreur pour ses opposants, à tout point de vue !
 
Vainqueur avec supériorité du Prix Lupin (Gr.1) puis dominateur dans le Prix du Jockey Club (Gr.1) par six franches longueurs devant Combourg, il remporta encore le Prix du Prince d’Orange (Gr.3) pour la casaque du Baron Robert de Rothschild mais échoua à plusieurs reprises en fin de saison, suite à des erreurs tactiques ou pénalisé par de lourdes charges.
 
Accidenté au tout début de l’année suivante, Alcantara II entra au haras où ses excès de tempérament redoublèrent d’intensité avec le temps. Une vraie terreur pour les grooms, qui culmina en 1930 lorsque, pris d’une crise de folie furieuse interminable, il n’y eut d’autre option que de le sacrifier dans son box, au grand dam de Jean Stern qui l’avait acquis en cours de carrière pour l’installer au Haras du Mesnil.
 
Mais la qualité de sa production était indéniable : tête de liste des pères de gagnants en 1920, exploit qu’il réédita en 1928, Alcantara II a conçu trois gagnantes du Prix de Diane (Aquatinte II, Flowershop et Gaba Tepe), une lauréate des 1000 Guineas (Kandy), un vainqueur de la Poule d’Essai des Poulains (Indus), un gagnant du Grand Prix de Paris (Kefalin) et le Top 2 ansKantar qui remporta le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) en 1928 !
 
Vecteur de classe, de tenue et bien sûr de caractère, raison pour laquelle il obtint une remarquable réussite avec les filles du modérateurSans Souci II (croisement à l’origine de trois gagnants de Gr.1), Alcantara II fut qualifié Chef de Race version « professionnel » (grand fond dominant).
 
Il devint à la fois un excellent père de mères (deux fois tête de liste en France) et un très bon père d’étalons, et érigea une lignée mâle qui fut essentiellement relayéeparson petit-fils Verso II(Pinceau), autre vainqueur du Prix du Jockey Club (Gr.1),vecteur d’une influence durabledans de nombreux pays dont le Brésil (via Alipio) et la Pologne (via Mehari).
 
Une dynastie aujourd’hui éteinte mais une génétique toujours présente, dans toutes les disciplines. Figurant en bonne place dans les pedigrees de Klairon, Le Fabuleux, Right Royal, Sicambre ou encore Tantième, le sang de Alcantara II coule dans les veines des meilleurs étalons pères de sauteurs contemporains que sont Blue Brésil, Diamond Boy, Doctor Dino, Kapgarde, Martaline, Network, No Risk At All, Saint des Saints, Vision d’Etat et beaucoup d’autres, sans oublier … Galileo ! Fait amusant, il n'y aucun cheval méchant dans cette liste.
 
 
 

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