L'histoire de DNA Pedigree: Gimcrack, le poney immortel
Gimcrack (m. gr. 1760), par Cripple et Miss Elliott (Grisewood’s Partner)
En l’an de grâce 1760 naquit un petit cheval gris d’une grande beauté qui fut baptisé Gimcrack. Elevé par Gideon Elliott de Murrel Green dans le sud de l’Angleterre (Hampshire), il avait pour père le gris Cripple, un fils de Godolphin Arabian, et pour mère la grise Miss Elliott, poulinière au pedigree incestueux (inbred en 2x2 sur le très influent Crofts Partner).
Dire que Gimcrack était petit n’est pas un vain mot. Toisant entre 1,44 m et 1,47 m au garrot selon les sources, il est clair que, s’il vivait à notre époque, vous auriez plus de chances de le croiser sur un terrain de concours entre un Welsh et un Connemara que sur un hippodrome. Son éleveur céda donc son poney à Mr. Green, qui l’envoya à l’entraînement.
Assez précoce pour débuter à l’âge de 4 ans (nous sommes en 1764), Gimcrack triompha d’emblée dans une Plate à Epsom avant de voler de succès en succès à Guildford, Winchester, Bedford, Barnet, Reading et Burford, demeurant invaincu cette année là.
Aussi facile sur 2 miles que sur 4 miles (3200 à 6400 m), tombeur des meilleurs coursiers de son temps, il continua à engranger les victoires à 5 ans pour le compte de William Wildman (futur propriétaire de Eclipse) puis de Bolingbroke, jusqu’à son arrivée en France.
Louis-Léon-Félicité de Brancas, comte de Lauraguais, s’était en effet porté acquéreur du cheval pour lui faire disputer une course contre la montre sur 22,5 miles (36,5 kilomètres !), distance couverte par le 6 ans Gimcrack en moins d’une heure…
De retour en Angleterre l’année suivante, marqué par ses efforts français (son propriétaire fut violamment condamné par le turf Britannique à cet effet), Gimcrack retrouva progressivement son meilleur niveau et poursuivit sa carrière avec succès jusqu’à l’âge de 11 ans, bien que souvent appelé à porter de lourdes charges. A l’heure de sa retraite, alors qu’il arborait les couleurs de Lord Bunbury, Gimcrack avait disputé 36 courses pour en remporter 27 et se placer 7 fois deuxième…
Gimcarck, le coursier anglais le plus populaire de son temps...
Ses exploits et son extrême popularité lui ouvrirent en grand les portes du haras, à Grosvenor Stud, mais ses actifs de reproducteur ne furent pas à la hauteur des espoirs mis en lui. Son fils Grey Robin réalisa certes l’exploit de devancer Pot 8 O’s en course, mais c’est seulement par le bon Medley que sa lignée mâle se développa un temps, aux USA, où l’on retrouve son nom à la base de plusieurs grandes familles classiques.
L’année de la disparition de Gimcrack n’est pas connue avec précision. Nous savons simplement qu’il vécut plus de 17 ans et qu’il fut inhumé à Haughton Hall (Shifnal – Shropshire). Mais le poney Gimcrack demeure immortel : un club fut fondé en 1770 à York, le Gimcrack Club (Ye Anciente Fraternite of York Gimcracks), pour perpétuer sa mémoire.
Gimcrack, à l’entraînement à Newmarket (1765 - toile de George Stubbs)
En 1846, le club organisa l’édition inaugurale des Gimcrack Stakes, épreuve toujours active de nos jours et opposant des poulains de 2 ans sur les 1200 m de York durant le Ebor Festival, au mois d’août. Une course de Gr.2 qui présente une particularité unique en son genre : le propriétaire du vainqueur reçoit, outre une belle allocation, une invitation au Gimcrack dinner qui se tient à York en décembre. Une invitation qui comporte cependant une obligation, celle de délivrer un discours devant les membres les plus éminents de la filière course Britannique !
Votre cheval gagne les Gimcrack Stakes, et vous voilà propulsé sur le devant de la scène devant une assemblée huppée, voire royale. Liberté d’expression garantie et, 260 ans après sa naissance, le poney Gimcrack vous donne encore la parole. Les propriétaires se laissent généralement emporter par l‘euphorie, communicative, suscitée par la victoire de leur cheval. C’est ainsi qu’en 1970, l’américain Paul Mellon monopolisa l’audience pendant plus d’une heure pour disserter sur les qualités de son Champion Mill Reef, contraignant ainsi le Prince de Galles à patienter jusqu’à minuit passé pour intervenir à son tour. Shocking…
En 2001, la victoire de Rock of Gibraltar donna la parole à Sir Alex Ferguson qui fit l’annonce suivante : « Mon discours sera délivré en … écossais ! ». Re-shocking…
Dix ans plus tard, la soirée fut partiellement boycottée de crainte que Charles Wentworth, propriétaire du vainqueur Caspar Netcher et connu pour soutenir les thèses du British National Party, ne profite de l’occasion pour exposer ses idées politiques d’extrême droite. Il n’en fut rien, l’orateur ayant choisi ce soir-là de discerter sur l’usage de la cravache, le relais des courses dans les medias et le respect des sponsors !
Vous souhaitez une tribune libre pour apporter votre pierre au grand édifice des courses ? Alors incitez vivement votre entraîneur à engager votre meilleur poulain dans les Gimcrack Stakes…