Le Prix Maurice de Gheest : so French

 

C’est un peu comme les grenouilles ou les escargots. Cela peut paraître surprenant d’en faire un met de qualité et apprécié des palais les plus fins, pourtant, c’est bon. Na. On est comme ça les Français. 1300 mètres en ligne droite, c’est bien simple, personne au monde ne propose ce genre de menu. Initialement, l’épreuve, créée en 1922 en l’hommage d’un des fondateurs de l’Institution des courses françaises dans sa globalité (amateur de demi-sang et de Trot aussi, un homme de goût par conséquent), se disputait sur 1400 mètres avant d’être rétrécie d’un hectomètre en 1966. Elle fait partie du club restreint des Gr. 1 depuis 1994.

 

« On y trouve des sprinteurs rallongés et des milers raccourcis, il est vrai que c’est assez spécial », résume parfaitement Freddy Head avec son flegme et sa distance habituels, lui qui s’y connaît bien en de Gheest !

 

 

(Photos APRH)

 

 

Côté acteurs, à l’instar de ce qui se fait dans la catégorie des sprints, c’est open-bar ! Mâles, juments, pouliches, poulains, tout le monde est le bienvenu, à l’exception tout de même des 2 ans : ça, c’est réservé aux Anglais dans 15 jours à l’occasion des Nunthorpe Stakes. Même les hongres ont droit de cité ! C’est le seul Groupe I en France avec le « Ganay » à le faire. Une véritable exception.

 

Et on compte donc dans ses rangs des chevaux de tous bords, ce qui confère à cette épreuve un aspect de salade niçoise ou de barbecue du lendemain. En même temps, ce sont parfois les meilleurs…

 

 

 

Comme pour tous ses autres traits de caractère, le « Maurice de Gheest » tient une place très particulière dans le calendrier international. Partant donc du principe qu’il peut réunir des sprinters en mal distance et des milers en mal de vitesse, voyons dans quel contexte se place ce Gr. 1 atypique.

 

Pour les bolides, le mois de juin a été éprouvant avec deux rendez-vous à Royal Ascot : les King Stands Stakes (1000m) et les Diamond Jubilee Stakes (1200 m). Qu’on le veuille ou non, ce sont les deux grands sprints que veulent épingler à leur tableau de chasse, tout propriétaire ou tout entraîneur de sprinters, d’autant que la spécialité est devenue presqu’exclusivement anglo-irlandaise tant le programme français est nul dans ce registre. Les sprinters arrivent donc au top à la mi-juin, pour certains d’entre eux disputent même les deux courses à quatre jours d’intervalle.

 

 

 

 

Ceux à qui il reste encore un peu de carburant dans le réservoir, la July Cup est l’autre grande cible estivale, située trois semaines après les compétitions de Royal Ascot. Trois semaines plus tard donc, le Gr. 1 deauvillais offre une alternative rallongée aux déçus ou battus des tournois précédents, une sorte de consolante. Seul, Marchand d’Or, parfait ambassadeur de l’exception culturelle, a réussi l’exploit de remporter consécutivement July Cup et Maurice de Gheest, depuis que ce dernier a atteint le label Gr. 1. Pas facile donc pour les purs sprinters et le talentueux Lethal Force, vainqueur à Ascot et à July Newmarket, va tenter d’inverser la tendance cette saison.

 

 

 

 

Pas facile non plus pour les purs milers, qui ont sur leur planning le Prix Jacques Le Marois, seulement une semaine plus tard ! Un Gr. 1 en guise de préparation ? Un gazon en mode réel, avec un peu de chance payant, huit jours avant l’objectif ? Ce ne serait pas raisonnable...et surtout interdit par le code des courses. Non, en fait, pour les entraîneurs ambitieux du mois d’août, les chauds de Deauville, les deux Gr. 1 peuvent être considérés comme des cibles à part entières pour leur miler favori. Et la méthode est signée Robert Collet (pas mal non plus dans le genre « exception culturelle ») : le visionnaire entraîneur cantilien offre un programme allégé à son champion Whipper aux printemps 2004 et 2005 avec en tête les deux Gr. 1 normands consécutifs. Bingo la 1ère année : Whipper finit 2ème du «Maurice de Gheest » avant de gagner le plus beau mile de la saison. Bingo en 2005 : Whipper remporte le 1300 m avant de finir bon 2ème du « Jacques Le Marois » de Dubawi. Le super bingo n’était pas bien loin.

 

 

 

 

Mais la formule a de quoi séduire. Et Freddy Head s’en inspire avec Moonlight Cloud, super flyeuse, et dont la distance de prédilection est 1400 mètres. Bref le prototype parfait.

 

En 2012, la représentante Strawbridge ne court que deux fois en juin avant de s’envoler vers un 2ème triomphe dans le « Maurice de Gheest » et avant de jouer d’une terrible malchance dans le mile huit jours plus tard, faisant rougir de colère le calme Freddy. La fille d’Invicible Spirit se vengera sur les 1600 mètres du Moulin de Longchamp en septembre.

 

Mais, quand un « Head » a quelque chose dans la tête… Et revoici donc Moonlight Cloud en 2013, avec pour objectifs : les deux Gr. 1 à une semaine d’intervalle ! Et, parole de Freddy, « la jument est encore mieux que l’an dernier »… c’est marrant, ça ne vous rappelle pas les propos du même homme avec Goldikova ?

 

 

Le Prix Maurice de Gheest a donc été marqué dans son histoire récente par Freddy Head, vainqueur en qualité d’entraîneur de cinq des sept dernières éditions. C’est sa course : sa maestria avec Marchand d’Or (3 victoires consécutives) et son opiniâtreté avec Moonlight Cloud (deux à la suite, série en cours) donnent à l’histoire de la course un beau relief.

Freddy l’a aussi gagnée en qualité de jockey, une seule fois, avec le crack Anabaa en 1996. Avec Whipper, ce dernier est le seul à recenser aussi chez les super reproducteurs vainqueur de « Maurice de Gheest ».

 

 

 

Grâce au soutien de LARC (Latino American Racing Channel), le Prix Maurice de Gheest s’est offert un joli coup de boost, voyant son allocation passer de 250 k€ à 350 k€ ! Cent mille euros de plus qui permettent au Gr. 1 de parader fièrement au même niveau financier que le Prix de l’Abbaye de Longchamp et loin devant la Sprint Cup de Haydock ou les Nunthorpe Stakes de York. Un peu à l’instar de tout son profil, le « Maurice de Gheest » s’installe en fait au beau milieu du gué.