Misti et sa fille Roselière honorés sur l'hippodrome de Clairefontaine
Misti, également connu sous le nom de Misti IV, avait remporté le Prix Ganay ainsi que le Gran Premio del Jockey Club ©DR
Misti, un élève du comte Guillaume d’Ornano
Entrainé par George Bridgland, Misti est la propriété de son éleveur, le comte Guillaume d’Ornano, qui avait acheté sa mère yearling, Mist, en 1954, l’année du décès de son épouse. Misti débute second du Prix Yacowlef à deux longueurs d’Opaline (sœur de Diamond Drop), future gagnante des Cheveley Park St. pour l’actuel S.A. Aga Khan (son père, Aly Khan étant décédé fin mai) et l’entrainement d’Alec Head. Puis, le fils de Medium perd son statut de maiden dans le Prix des Roches Noires à Deauville, monté par Maurice Larraun. Retour à Paris où il remporte le Prix des Chênes, sous la même monte, en devançant de 3 longueurs Hermières (future mère de Crystal Palace) avant de terminer troisième du Grand Critérium de Right Royal, l’élève de Mme Jean Couturié et d’Etienne Pollet.
A 3 ans, il remporte trois courses dont le Prix Henry Delamarre, huit jours avant une troisième place dans le Prix de l’Arc de Triomphe derrière l’italien Molvedo et Right Royal.
Misti et son jockey se rendent sur la piste. Auraient-ils vu un de leurs adversaires? ©DR
Au printemps, il s’était classé troisième du Prix Jean Prat à l’issue d’une lutte acharnée (courte tête pour Bobar aux dépens de Tiffauges et courte encolure) puis reste au poteau dans le Grand Prix de Saint-Cloud. Il décrochera ensuite une seconde place dans le Grand Prix de Deauville dominé par un certain Molvedo.
A 4 ans, on lui trouve deux succès, l’un dans le Prix Ganay où il battait Vienna (futur père de Vaguely Noble), l’autre à Milan dans le Gran Premio del Jockey Club. A Ascot, il termine avec Val de Loir en tête des battus des King George VI and Queen Elizabeth St. remporté par l’autre français, Match sous la monte d’Yves Saint-Martin. A Deauville, il termine tout près du jumelé gagnant du Grand Prix. A Longchamp dans le Prix de l’Arc de Triomphe, monté par l’australien Neville Sellwood (qui décédera en novembre suivant après une chute survenue à Maisons-Laffitte), Misti entre en tête dans la ligne droite après avoir rondement mené les débats (temps record à l’arrivée) mais ne pourra prendre qu’une honorable sixième place dans le sillage de ceux qui occupent le podium : Soltikoff (Marcel Depalmas), Monade et Val de Loir.
A 5 ans, il domine le Prix Henry Foy en devançant, entre autres, Soltikoff et se place au second rang des Prix Jean Prat (3.100m) et du Cadran (de Taine) et à Ascot dans la Gold Cup devant Taine. Il sera de nouveau (troisième participation) en piste pour le Prix de l’Arc de Triomphe qu’il terminera une nouvelle fois à la troisième place derrière Exbury (Jean Deforge) donnant à la famille Rothschild son premier gagnant depuis l’après-guerre. Il terminera sa carrière sur une cinquième place dans le très prisé Washington D.C. à Laurel Park.
Misti est né au haras de Manneville qui accueille des chevaux en pension depuis que le fondateur, Henri Coulon, est décédé (1955) ; parmi les juments, celles de Guillaume d’Ornano qui deviendra propriétaire des lieux en 1969 jusqu’en 1982, année de son achat par le libanais, Issam Farès. Misti y reviendra en 1964 pour une nouvelle carrière, celle de reproducteur. Dès sa première année, Roselière sort du rang.
Misti dans les écuries de son entraineur George Bridgland ©DR
Notes :
- Le départ du Prix de l’Arc de Triomphe 1961 avait dû être repris, l’apprenti Yves Saint-Martin ayant occasionné un faux départ. Pour s’être également rabattu trop tôt à la corde, en selle sur Match, il écopera de six jours de mise à pied. Match terminera à la cinquième place juste derrière l’élève de Sir Winston Churchill, High Hat.
- Au départ du Prix de l’Arc de Triomphe 1962, Misti est accompagné d’un autre pensionnaire de la famille d’Ornano, Picfort. Second du Prix Jockey Club et du Grand Prix de Paris, Picfort porte la casaque de Michel d’Ornano, fils de Guillaume. Mais il va, à l’entrée de la ligne droite, heurter les postérieurs du cheval qui le précède, ce qui entrainera la chute de son cavalier, Gérard Thiboeuf.
Peace Rose, une origine Strassburger
Propriété de son éleveur Mme George Bridgland, associée à une parente Mme Roger Canivet, Roselière doit beaucoup à Ralph-Beaver Strassburger qui a « construit » son origine maternelle. Le franco-américain, qui connaissait la science des croisements et savait faire naître de bons et beaux chevaux, ne portait pas à ses élèves une estime particulière. C’est ainsi qu’en ayant souvent des étalons de premier ordre comme Norseman, Clarion ou Worden, il ne leur donnait généralement qu’un petit nombre de poulinières. Il utilisait plutôt les services d’étalons qu’il allait trouver en Angleterre et même aux Etats-Unis. Il avait parfois des choix originaux comme par exemple celui de Fastnet Rock (Ocean Swell), un élève de Lord Rosebery, entrainé par Jack Jarvis à Newmarket. Un an avant son décès (février 1959), notre américain lui envoie l’une de ses bonnes juments, La Paix (fille d’Anne de Bretagne), la fameuse famille maternelle 4-i.
Le produit que La Paix eût de Fastnet Rock fut une pouliche, Peace Rose, née au Haras des Monceaux, un haras acquis en 1925. Après avoir débuté sa carrière sans succès sous les couleurs de Mme veuve Strassburger, Peace Rose devint la propriété de son entraineur George Bridgland pour qui elle remporte une course à Compiègne sur 1.800m. à 3 ans. Elle ne va pas s’éterniser sur la piste et rentre donc au haras dès l’âge de 4 ans.
Ralph-Beaver Strassburger, l'ancien propriétaire de Peace Rose, la mère de la future Roselière ©DR
Roselière, élevée par George Bridgland et Roger Canivet
Le premier produit de Peace Rose n’est autre que Roselière qui portera les couleurs de son éleveur : gros-vert, épaulettes et toque vert-clair, les actuelles couleurs de sa petite-fille, Carole Artu. A 2 ans, elle débute en septembre au Tremblay dans un maiden finissant à une encolure de la gagnante puis prend le même accessit à Maisons-Laffitte, un mois plus tard dans le Prix Albarelle.
Elle perd son statut de maiden le 17 novembre à Saint-Cloud dans le Prix Messaline dans lequel, elle perd ses adversaires en route (6 longueurs à l’arrivée).
A 3 ans, elle fait une rentrée victorieuse directement dans le Prix Pénélope, montée par Yann Josse, laissant la « Rothschild » Mercuriale à 6 longueurs. Deux mois après, le 16 juin, sans aucune autre préparatoire, elle est au départ du Prix de Diane avec vingt et une autres pouliches. Elle devance un bon lot parmi lesquelles la « Dupré », montée par Yves Saint-Martin, Pola Bella (Poule d’Essai) et La Lagune, l’impressionnante gagnante (5 longueurs) des Oaks d’Epsom (le premier classique de François Boutin).
La championne française Roselière fut sacrée meilleure pouliche de sa génération en 1968 après avoir enlevé les Prix de Diane et Vermeille ©DR
Elle effectue sa rentrée automnale directement dans le Prix Vermeille dans lequel elle domine, encore une fois, Pola Bella (à 4 longueurs) et La Lagune (à 6 longueurs), elle aussi en provenance directement du Prix de Diane.
C’est ensuite le Prix de l’Arc de Triomphe où elle perd la troisième place tout à la fin. Le podium est occupé par Vaguely Noble (dont la supériorité écrasante), Sir Ivor (l’anglo-américain) et Carmarthen.
Vendue au propriétaire de Nijinsky
Durant l’hiver, elle sera vendue à l’américain, d’origine sud-africaine, Charles Engelhard, qui achète tout ce qui est à vendre dont Habitat (pour $ 105.000) et un certain yearling nommé Nijinsky (pour $ 84.000). Mais au printemps de ses 4 ans, elle n’est que l’ombre d’elle-même dans le Prix Ganay (de Carmarthen), dans le Prix d’Harcourt (de Grandier) (monté par Lester Piggott) et dans le Grand Prix de Saint-Cloud.
En août à Deauville, Roselière renoue avec le succès qui lui échappe depuis l’an passé. Elle est la seule jument d’âge au départ du Prix de Pomone. Elle disposera des treize pouliches de 3 ans dont la seconde des Irish Oaks, la pensionnaire de Mme Jean Couturié, Lastarria. Elle ne joue aucun rôle dans le Prix de l’Arc de Triomphe du stayer de 4 ans, Levmoss, vainqueur au printemps du Prix du Cadran et de la Gold Cup. L’irlandais rejoint le poteau en un temps record (battant celui de Soltikoff) tout en devançant l’anglaise Park Top et le cantilien Grandier mais aussi vingt et un autres adversaires dont quatre vainqueurs de Derby.
A l’exception du Prix d’Harcourt, Roselière a toujours été montée par Yann Josse. Il ne fait pas partie de la famille mais c’est tout comme puisque dès son plus jeune âge, il est l’apprenti de la maison Bridgland qui l’avait quitté pour raison majeure, le service militaire. Né en 1942, Yan avait connu d’assez nombreux succès comme apprenti, mais le temps passé sous les drapeaux l’avait fait quelque peu oublier et il ne montait plus guère depuis son retour. C’est ainsi qu’il n’avait paru que onze fois avant le Prix de Diane pour un seul gagnant, le Prix Pénélope avec Roselière. La sportivité de ses « patrons » lui a permis de faire ses preuves en cette grande occasion.
Roselière deviendra une formidable matrone après le décès de son nouveau propriétaire (mars 1971), avec comme descendance, deux pouliches d’Habitat, Rose Bed (Prix Chloé) et surtout Rose Bowl, et un poulain de Nijinsky, un certain Ile de Bourbon (King George VI et Coronation Cup puis étalon).
Rose Bowl est la gagnante des Champion St. devant Allez France, des Queen Elizabeth II St. à deux reprises (alors encore Gr.2), seconde des Sussex St. (de Bolkonski) et des Champion St. (de Vitiges), 3e des Cheveley Park St. Elle a également été performante au haras où sa descendance est assurée.
Notes :
- Outre Roselière, Peace Rose a donné naissance à six autres vainqueurs dont trois, propres frères de Roselière, se sont illustrés en obstacles avant de rejoindre le haras comme reproducteur : Les Roseaux (Grande Course de Haies d’Auteuil, Prix La Barka), Pamir (Grand Prix de la Ville de Nice, second du Grand Steeple-Chase d’Enghien), Roselier (Grande Course de Haies d’Auteuil, Prix Léon Rambaud)...