Aragorn d'Alalia, des Aiguilles de Bavella au sommet des Pyrénées
Aragorn d'Alalia, un Anglo-Arabe d'exception sur les obstacles (photo d'archives, © APRH)
"J’ai 60 ans, je continue de bosser, lui, en aura 10 l’année prochaine, mais je ne vois pourquoi, lui aussi, ne continuerait pas de bosser, après une période de repos cet hiver". Fervent militant de l'adage, "le travail c'est la santé", comme bien d'autres dans le milieu des courses - à juste titre, d'ailleurs, car il n'y a pas de fumée sans feu -, François Nicolle s'était exprimé de la sorte l'an dernier au sujet d'Aragorn d'Alalia, suite à la deuxième victoire de ce représentant de la casaque grise épaulettes bleues toque grise de Christophe André dans le Steeple-Chase National des Anglo-Arabes, à Auteuil.
Et en effet, après avoir profité d'un bon break durant le premier semestre, avoir été remis en route au pré-entrainement chez Eric Ventrou à Cognac, et avoir bien couru pour sa rentrée mi-novembre, Aragorn d'Alalia est arrivé dans un état resplendissant sur l'hippodrome de Pau. En cette veille de réveillon, il a brillamment remporté le Prix Charles de Ginestet, le Grand Steeple-Chase des Anglo-Arabes du Pont-Long, sous la selle de Bertrand Lestrade.
Une victoire pleine d'autorité pour Aragorn d'Alalia et Bertrand Lestrade dans ce Grand Steeple-Chase des Anglo-Arabes de Pau
Rapidement à la pointe du combat, Aragorn d'Alalia s'est montré appliqué d'un bout à l'autre de l'exigeant parcours des 4.700 mètres du steeple palois, franchissant bien une à une les différentes difficultés dressées sur son chemin, les oreilles bien pointées. Le représentant de Christophe André a ensuite démarré sèchement dans le tournant final, prenant de suite quelques longueurs d'avance à ses rivaux, avant de très bien poursuivre son effort sitôt l'ultime haie franchie pour s'en aller quérir un treizième succès plein d'autorité. En retrait, Chamako (Martaline) n'a pas du tout démérité pour ce qui était seulement sa quatrième sortie en compétition, face à des élements de qualité et beaucoup plus expérimentés que lui, et termine à la deuxième place, juste devant le compagnon d'entraînement du lauréat et tenant du titre de cette épreuve, San Petrone Corso (Olzarte de Collongues), qui se montre courageux pour sauvegarder le second et dernier accessit.
Anglo-Arabe à 27% au parcours des plus atypiques, Aragorn d'Alalia est né et a grandi dans les prés de Patrick Soudier et Alain Vieille, sur la commune d'Aleria, une charmante petite ville de l'Est de la Corse où se rendait régulièrement son père, Iris de la Brunie. En effet, cet ancien vainqueur du Grand Critérium à 25% de Mont-de-Marsan, pur produit de l'élevage corrézien de Jacques Crouzillac, est ensuite devenu l'un des étalons de feu les Haras Nationaux, qui aimaient à envoyer chaque année un piquet de leurs reproducteurs au Centre Technique d'Aleria, afin d'effectuer la monte sur l'île de Beauté. Île où se sont d'ailleurs imposées à deux reprises chacune Miss Libertine et Adhira d'Alalia, mère et soeur d'Aragorn d'Alalia, tous appartenant à la même lignée que le valeureux Prince d'Alalia, vainqueur à 19 reprises au cours de sa carrière sportive, tant en plat qu'en obstacle, notamment sur le steeple de Pau, ainsi que du phénomène L'Abbatescu, excellent Anglo-Arabe de plat en Corse de 1987 à 1990, période où il a passé le poteau en tête à 19 reprises lui aussi !
Le père d'Aragorn d'Alalia, Iris de la Brunie, a fait la monte au Centre Technique d'Aleria, commune Corse où est né son rejeton !
Souhaitant passer à autre chose et stopper leurs activités en lien avec les chevaux, Patrick Soudier et Alain Vieille ont donc confié Aragorn d'Alalia, alors âgé de 2 ans à un jeune permis d'entraîner de la région, Christophe André, pour qui il a débuté sa carrière en plat et remporté cinq courses en Corse, dont une sous la responsabilité de Ronny Martens, mais à chaque fois sous la selle de Christophe Billardello. Ce n'est qu'à l'hiver de ses 7 ans qu'Aragorn d'Alalia a rejoint le continent et intégré l'effectif de François Nicolle, par le truchement de Bertrand Bourez, grand ami de Christophe André, qui a mis ce dernier en relation avec le metteur au point royannais. Séduit par ses deux premières sorties sur le steeple palois, où il avait terminé quatrième du Prix Roger de Vazelhes puis troisième du Prix Louis-Alexandre Sers, François Nicolle en a pris plein les mirettes le jour où Aragorn d'Alalia a fait son premier galop de chasse sur sa piste de Saint-Augustin. Il avait alors déclaré: "Dès le premier jour où j'ai vu Aragorn d'Alalia sur ma piste, j'ai été très impressionné et au bout de trois quarts de tour au galop de chasse, en voyant son action et son amplitude car il fait une foulée quand les autres en font trois, j'ai pensé que j'avais là un avion de chasse".
François Nicolle, posant aux côtés d'Aragorn d'Alalia et Christophe André suite à leur victoire dans le Steeple-Chase National des Anglo-Arabes de l'an dernier, à Auteuil (© APRH)
Le nez creux, François Nicolle a eu du flair ce jour-là et ne s'était pas trompé car le sculptural bai foncé n'a cessé dès lors d'épater son entourage. En effet, Aragorn d'Alalia est sorti vainqueur de plusieurs gros handicaps Quinté à Auteuil, qui plus est face aux "purs", notamment dans le Prix Wild Risk (L.) au printemps 2017, avant d'échouer d'un nez, un an plus tard, dans la Grande Course de Haies de Printemps (Gr.3) face à son compagnon de boxes, Farlow des Mottes. Donnant la vie dure à quelques éléments faisant partie de l'élite des sauteurs de l'Hexagone, Aragorn d'Alalia a également été sacré à deux reprises dans le Steeple-Chase National des Anglo-Arabes, l'épreuve reine pour les Anglo-Arabes d'âge en obstacle, qu'il a remportée successivement en 2018 et 2019, et dont il a terminé deuxième pour sa rentrée cette année.
Christophe André, un propriétaire amoureux de ses chevaux, notamment de son "fils", Aragorn d'Alalia (© Scoopdyga)
Fort aujourd'hui de 13 succès - dont 8 chez François Nicolle - et 32 places en l'espace de 51 sorties, Aragorn d'Alalia continue d'écrire sa légende, résonnant aujourd'hui de la Corse jusqu'au continent, des Aiguilles de Bavella au sommet des Pyrénées. Il faut dire que cet Anglo à 27% aux origines 100% corses est un formidable porte-étendard pour la race, montrant à quel point ces chevaux naturellement doués sur les obstacles font preuve d'une robustesse et d'un mental à toute épreuve malgré les années qui s'égrènent, et ce pour le plus grand bonheur de tout son entourage, et notamment Christophe André, qui vit des moments absolument merveilleux avec lui. Peut-être pendant encore un petit moment, si son champion tend à prouver que, comme son mentor, François Nicolle, la retraite n'est pas encore faite pour lui !
Retour gagnant pour Aragorn d'Alalia et Bertrand Lestrade, sous la lumière du Pont-Long (© Facebook Hippodrome de Pau)