Eamonn O'Connor, manager de Tamfana : un esprit indépendant et un instinct à contre-courant

Tamfana lors de sa victoire à l'automne 2023 dans le Prix Miesque (Gr.3).

Quantum Leap Racing, un petit syndicat britannique dirigé par Eamonn O'Connor, a une bonne chance de remporter le Prix de Diane avec Tamfana, après que la pouliche ait terminé à une malchanceuse 4e place dans les 1 000 Guinées anglaises, alors qu'elle n'avait pas de parcours clair dans la dernière partie de la course.

 « Il y avait des émotions mitigées parmi les membres du syndicat dans l'enceinte des gagnants à Newmarket, allant de la déception à l'exaltation », a indiqué Eamonn O'Connor.  « J’étais plus ravi que déçu. L'ambition du syndicat dès le début en 2017 était de produire des chevaux de Groupe /Classique et Tamfana a clairement montré qu'elle atteignait ce standard. Fait révélateur, les deux personnes les plus déprimées étaient l'entraîneur David Menuisier et le jockey Jamie Spencer. Telle est la mentalité requise pour concourir au niveau élite dans n'importe quel sport. »

L'entourage de Tamfana autour de Marie Velon après le Prix Miesque.

Tamfana (Soldier Hollow par Tres Magnifique) a d'abord montré son potentiel à deux ans, en remportant facilement le Prix Miesque (Gr.3) à Chantilly en octobre dernier sur 1400 mètres. Pour sa première participation cette saison, Tamfana a réalisé une belle 3e place dans le Prix Imprudence (Gr.3) à Deauville en avril, avant de terminer 4e dans les  1 000 Guinées. La pouliche a été achetée par Quantum Leap Racing pour seulement 25 000 € lors de la vente de yearlings BBAG en 2021, auprès de l'éleveur Gestut Etzean, une excellente affaire. Areion, une sœur de Tamfana, a été vendue l'année dernière à Baden Baden pour 30 000 Euro à Byrne, Grassick et Coleman.

Tamfana prend une excellente 4e place dans les 1000 Guineas de Newmarket après avoir subi un parcours horrible.

 « Je trouve que Tamfana a fait une belle course dans l'Imprudence. Elle est y venue avec un seul travail, un galop sur l'hippodrome de Kempton, où le jockey Oisin Murphy a pensé que nous devrions la lancer sur un mile », a expliqué O'Connor. "Il avait raison de dire qu'elle serait meilleure sur cette distance, mais le timing de l'Imprudence convenait mieux à nos plans, sachant qu'elle s'améliorerait pour la course et augmenterait la distance. Nous n’aurions pas pu être plus heureux après la course. David s'est montré magistral dans la préparation de ses bons chevaux cette année, et ils ont tous montré un profil similaire - des débuts de saison prometteurs suivis d'une amélioration significative dans la course suivante. Dans ce milieu, gagner toutes les courses n’est pas le but. Il s’agit d’avoir tout bien les jours qui comptent. Nous passons beaucoup de temps à informer les membres de notre syndicat, lorsqu'ils débutent, que la patience et la planification sont essentielles. ».

O’Connor a indiqué que l’objectif à long terme depuis le Prix Miesque a toujours été le Prix de Diane. « Le Diane a toujours été l’objectif. Nous ne savions pas si les 1 000 Guinées ou la Poule d'Essai des Pouliches seraient le meilleur tremplin. Finalement, nous avons opté pour la Newmarket Classic, notamment parce que David Menuisier pensait qu’elle la gagnerait !  Tout va bien jusqu’à présent depuis la course des 1 000 Guinées pour l’entraînement de Tamfana. Elle est relativement facile à entraîner, même si c’est facile à dire pour moi, puisque je ne m’occupe pas d’elle tous les jours ! »

Eamonn O'Connor, créateur de Quantum Leap Racing

O’Connor a admis avoir reçu des offres alléchantes depuis les Guinées pour acheter Tamfana. « Oui, nous en avons refusé plusieurs, parce que nous voulons remporter le Diane, pour montrer ce qu'un petit syndicat bien géré peut réaliser, avec la bonne stratégie et la bonne approche. Il y a trop de pusillanimité parmi les petits propriétaires, qui ne croient pas pouvoir affronter les acteurs dominants. Attention, nous avons jeté un œil à la vingtaine des derniers propriétaires des gagnants Diane. Je ne pense pas qu’un seul d’entre eux fasse partie de la catégorie des milliardaires. Ce serait quelque chose de rejoindre ce tableau d’honneur ! »

L’intérêt initial d’O’Connor pour les courses de chevaux a commencé dès sa petite enfance. « je suis né dans une famille irlandaise de la classe ouvrière, la télévision était toujours branchée sur les courses de chevaux lorsqu'elles étaient diffusées. Le Grand National et le Derby étaient toujours des moments forts. » Mais ce n’est que plus tard dans sa vie qu’O’Connor a eu l’idée de diriger un syndicat de courses de chevaux. « Après avoir travaillé dans la City de Londres (services financiers) pendant 30 ans, j'ai décidé de créer ma propre entreprise dans un domaine où j'avais un style de vie spécifique. Entre autres start-up, j'ai créé Quantum Leap Racing en 2017. Comme pour toutes les entreprises que j'ai créées, le secret est d'identifier et d'attirer la bonne équipe de personnes. Je ne me suis jamais lancé seul dans une entreprise. Ce sont les compétences et les traits de personnalité différents et complémentaires offerts par les autres membres de l’équipe qui sont, à mon avis, la clé du succès. J’ai tendance à être doué pour faire bouger les choses, et il est important de prendre conscience de ce pour quoi vous n’êtes pas doué. Dans le secteur du « bloodstock », c’est simple. Jeremy Brummitt est mandaté pour acheter tous nos chevaux, car je n'aurais aucune utilité dans ce domaine, et fait office de directeur des courses. Vicky s'occupe de toute notre comptabilité ».

Jeremy Brummitt, le courtier du syndicat

Le Syndicat repose depuis sa création en 2017 sur l'achat de quelques chevaux de course chaque année, élevés pour gagner sur 2 000 mètres ou plus. Ce qui, à première vue, semble difficile pour attirer des membres, la majorité des autres syndicats fonctionnant sur l’achat de chevaux de deux ans élevés en sprint, mais O’Connor n’est pas d’accord.

 « Personnellement, je n’ai pas trouvé cela difficile. On entend beaucoup de syndicats dire qu’ils achètent des yearlings précoces, parce que c’est ce que demande le marché. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense que, dans une certaine mesure, cette attitude façonne le marché plutôt que d’y répondre. Je n'ai jamais eu de réaction négative lorsque je dis à quiconque s'informe sur notre syndicat qu'après l'achat d'un yearling à l'automne, il faudra probablement attendre le mois de septembre suivant avant que le cheval ne fasse sa première course. Développer ces chevaux de demi-fond à maturation plus lente est bien plus satisfaisant que de faire courir un jeune de deux ans au printemps, dont la carrière a probablement atteint son apogée avant que nos chevaux n'aient fait leur première course. »

Avec la demande croissante de yearlings élevés pour les sprinteurs, cela pourrait offrir une certaine valeur pour le nombre réduit de yearlings proposés élevés pour des distances plus longues, et ainsi créer des opportunités pour des syndicats comme Quantum Leap Racing.

 « Il y a encore beaucoup de yearlings correspondant à nos critères qui restent à examiner lors des ventes européennes de yearlings. Malheureusement, pour nous, la compétition pour les chevaux de demi-fond de bonne origine inclut ceux du secteur qui ont les poches les plus profondes. Nous devons penser un peu plus latéralement si nous voulons être compétitifs – nous n’avons jamais été sur le marché des Galileo’s et des Dubawi’s ! Heureusement pour nous, le monde du « bloodstock » est dirigé par la mode et la pensée de groupe prédomine. Un esprit indépendant et un instinct à contre-courant - deux attributs que possède Jeremy Brummitt - peuvent porter leurs fruits dans un tel environnement. »

Une grande préoccupation à l’avenir est que la demande toujours croissante des acheteurs commerciaux de chevaux de course orientés sprint pourrait à l’avenir constituer une difficulté pour la qualité globale de l’industrie de l’élevage.

 « Oui, cela ne peut pas être bon pour la santé à long terme de la lignée, si des animaux inférieurs sont présentés comme de meilleurs étalons que des chevaux souvent bien supérieurs - dont le seul crime est de posséder de l'endurance, de la durabilité ainsi que de la vitesse. » Au cours de ces huit années d'activité, la stratégie et les conseils de Quantum Leap Racing ont porté leurs fruits pour les membres du syndicat. « Notre gamme d'achat de yearlings se situe entre 20 000 et 100 000 euros et nous recommandons toujours aux membres de répartir leur investissement sur un certain nombre de chevaux. Je leur dis que cela ne sert à rien de deviner lequel de nos yearlings s'avérera le meilleur. On ne le sait pas et Jeremy Blummitt n’achète que des chevaux qu’il aime vraiment, pas seulement pour honorer une commande. Le fait de s'impliquer sur un certain nombre de chevaux augmente évidemment le nombre et la profondeur des expériences des membres, avec également la chance d'avoir un cheval décent. Chaque année depuis notre création en 2017, nous avons produit un très bon cheval, défini comme atteignant une note de 90 à 105 (métriques britanniques). Les types de chevaux que nous achetons ont généralement plus de valeur en dehors du Royaume-Uni et sont particulièrement attrayants pour l'Australie et Hong Kong. Nous vendons généralement en fin de saison des chevaux de 3 ans. Les chevaux de course que nous avons vendus à ces juridictions sont Archie Mc Keller, Orgetorix et Wycliffe, entraînés par Ralph Beckett. David Simcock a entraîné Rodrigo Diaz et David Menuisier a entraîné Ottilien. Tous ont généré de bons profits. Cela a permis de renflouer la cagnotte pour les ventes de yearlings. Cependant, notre objectif ultime est de produire un performer européen du Gr. 1/Classique. À cet égard, c’est le contraire qui se produit, car ces chevaux ont bien plus de valeur en Grande-Bretagne qu’à l’étranger. »

Archie Mc Keller, acheté 25.000 € et revendu à Hong Kong avec un profit considérable.
 

Outre Tamfana, Quantum Leap Racing possédait auparavant un cheval de course avec un potentiel de première classe élevé en Allemagne - nommé Nivaldo (Archipenko), acheté chez BBAG en 2017 pour 67 000 €. Le cheval entraîné par Ralph Beckett a facilement remporté ses deux seules courses à l'âge de deux ans, représentant un espoir passionnant pour l'année suivante. Malheureusement, Nivaldo n'a plus jamais couru, après s'être effondré et être mort au galop...

 En ce qui concerne le syndicat, Eamonn O'Connor n'a pas l'intention de changer la stratégie principale des courses Quantum Leap qu'il a mise en place dès le premier jour :

 « Nous sommes un petit syndicat et j’aimerais que cela continue ainsi. Nous avons grandi lentement et généralement par le bouche-à-oreille. La première année, le syndicat a acheté deux chevaux de course : l'un des deux, Archie Keller (Archipenko), s'est avéré être de niveau Groupe et a été vendu à Hong Kong avec un profit considérable, comparés aux 25 000 € initialement payés en tant que yearling. » .

Il a ajouté, « Nous avons actuellement environ 12 chevaux de course à l'entraînement. Qui comprend ; Too Bossy For Us (Kevin Philippart de Foy) est un bon stayer prometteur. Promethean (David Menuisier) est déjà en bonne forme en France tandis que nous espérons que Mortlake (Ralph Beckett) progressera après sa très bonne saison de deux ans. Bien sûr, nous avons aussi nos enfants de deux ans à attendre avec impatience plus tard dans la saison. L'année dernière, nous avons acheté trois poulains d'un an : Persian King par Sidewalk chez Arqana pour 54 000 €, Australia par Alouja pour 105 000 Gns chez Tattersalls et New Bay par She Can Dance pour 72 000 € chez Goffs.

Il y a généralement 10 parts, avec parfois des pourcentages variables chez chaque cheval. Le coût par membre varie en fonction du prix d'achat d'un yearling pour chaque cheval. Nous avons souvent des propriétaires étrangers qui prennent une jambe. Notre objectif est de faire courir nos chevaux pendant deux saisons et de les vendre à la fin de leurs trois ans de carrière. Cependant, si les membres sont d’accord, nous faisons encore courir le cheval à quatre ans. »

Un facteur clé de tout syndicat est de maintenir l'intérêt des membres au fil des années, non seulement en obtenant des résultats, mais également en offrant un service de secours professionnel et c'est ce que Quantum Leap Racing a réalisé.

 « Il y a une bonne ambiance dans les syndicats et tout le monde s'entend bien. Nous faisons également beaucoup de travail sur le plan pédagogique à travers des visites d'élevage, des visites commerciales et des apprentissages, sur des sujets comme comment acheter un cheval de course. Cependant, j'aimerais m'étendre, au moins jusqu'au stade où nous achèterions 10 à 12 yearlings chaque année. Qui sait, peut-être que Tamfana nous fera connaître et que je recevrai de nombreuses demandes de nouveaux membres potentiels du syndicat avant les ventes de yearlings. »

 Reste à savoir si Tamfana pourra mettre Quantum Leap Racing sur le devant de la scène dimanche, en remportant le Prix de Diane. Elle a montré qu’elle en avait en tout cas les capacités. Tamfana ne manquera pas non plus de soutien, avec 20 membres du syndicat venant d'Angleterre avec leurs partenaires pour l'encourager.