Lys Gracieux venge au Japon sa mère française Liliside.

En France, on connaît beaucoup plus Teruya Yoshida que son frère Katsumi. Pourtant, au Pays du Soleii Levant, des deux fils de Zenya Yoshida, fondateur de Shadaï Farm, qui dominent largement le turf nippon tout en parvenant à s'entendre, c'est Katsumi qui détient les effectifs les plus nombreux. A Hokkaïdo, on dit que les Yoshida détiennent plus de 1000 juments à eux deux. Or, Teruya en possède 400. Il en reste donc 600 pour le frère cadet qui a fondé Northern Farm quand l'aîné a hérité de Shadaï. Précisons qu'ils stationnent leurs étalons au même endroit, la Shadaï Stallion Station. Les deux frères adoptent la même méthode de recrutement : ils investissent massivement dans des jeunes juments à l'étranger, à l'amiable ou sur les rings, souvent des pouliches sortant de l'entraînement ou encore à l'entraînement. Ils se retrouvent parfois rivaux dans les batailles d'enchères, comme c'est arrivé récemment à Deauville pour le cas d'Altérité, finalement acquise par Katsumi via Narvick International (Emmanuel de Seroux) pour 1,1 M€.

Katsumi Yoshida à Northern Farm.

C'est ainsi que le courtier français installé aux Etats-Unis a acquis chez François Rohaut la fameuse Liliside. Cette dernière, partie du bas de l'échelle avec un succès en débutant à Angoulême puis une 2ème place à réclamer à Toulouse, avait progressé spectaculairement en tout début d'année 2010 pour gagner un handicap puis une Listed à Cagnes (le Prix de la Californie), avant d'enchaîner sur une nouvelle Listed à Saint-Cloud, le Prix La Camargo devant une certaine Zagora qui se couvrira de gloire ensuite aux Etats-Unis.

Lys Gracieux avec Damian Lane

François Rohaut tente alors sa chance dans la Poule d'Essai des Pouliches 2010, une épreuve qu'il avait remporté 4 ans auparavant avec Tie Black, après rétrogradation de Price tag qui avait passé le poteau en tête, mais après avoir gêné une autre rivale nommée Impressionnante. L'histoire se répète alors, mais dans le sens inverse. Montée par Jean-Bernard Equeym, Liliside franchi la ligne en 1er, mais elle est rétrogradée à la 6ème place, derrière une anglaise que les commissaires estiment avoir été victime d'une gêne. Ces derniers appliquent les règles alors en vigueur en France. Le code ayant changé, leur sanction aurait peut-être été différente aujourd'hui. Mais la fille d'American Post ne repart de Longchamp qu'avec un succès d'estime. 5ème ensuite du prix de Sandringham, elle est vendue par Tony Forde à Katsumi Yoshida sous les couleurs duquel elle remporte le Prix de la Cochère, la 3ème Listed de sa carrière, avant d'échouer dans un Gr.1 à Milan puis de s'envoler vers le Japon.

Liliside passe le poteau en tête dans la Poule d'Essai des Pouliches, juste devant Special Duty, mais on devine sur cette image ce qui s'est passé par la siute.

Achetée 39.000 € yearling en octobre à Arqana par Marc-Antoine Berghracht, Liliside provient de l'Elevage de Tourgeville, celui qui est le plus proche du ring parmi tous les haras autour de Deauville. C'est le père d'Antoine Lepeudry, l'actuel dirigeant, Pierre Lepeudry, qui avait acquis la 3ème mère de Liliside, une certaine Maradadi (The Marshall), entraînée en Angleterre et 6ème de la Poule d'Essai des Pouliches (Gr.1) en 1972. Lepeudry n'a pas conservé cette jument toute sa carrière, et le 1er produit qu'elle fera pour son successeur, Carvinos (Carvin), se révélera être une star d'Auteuil, gagnant de 15 courses. Avant de revendre Maradadi, il eut la bonne idée de l'envoyer à un jeune étalon débutant en France, un certain Lyphard. Le croisement a donné Lymara, restée inédite mais tout de même conservée poulinière sans doute à la faveur de la gloire grandissante de son père parti aux Etats-Unis. Lymara donnera un très bon cheval en Espagne, Lymington (Phaeton), 3ème du Derby local, puis son destin changera quand elle poulinera de Miller's Mate, pourtant très décevant fils de Mill Reef. Gagnante de 2 courses, Miller's Milly deviendra une matrone, mère de Liliside, mais à aussi à l'origine de Lily's Candle, The Wise Lady, Lily America, Mingh Zi Cosmos, Melodyman, Good Bye My Friend, ainsi que le jeune étalon français Robin of Navan (lui aussi par American Post).

Pierre Lepeudry, l'homme par qui tout a commencé, au Haras de Tourgeville.

 

Après une femelle de Daiwa Major qui a gagné une course, Liliside a donné naissance à Lys Gracieux suite à sa rencontre avec Heart's Cry, un fils de Sunday Silence qui avait offert à Christophe Lemaire l'Arima Kinen devant Deep Impact en 2004 puis la Dubaï Sheema Classic. Précoce, Lys Gracieux a gagné un Gr.2 à 2 ans et a conclu 2ème de la meilleure épreuve pour les jeunes femelles au Japon, battue par Soul Stirring, la fille de Stacelita qui avait ouvert à cette occasion le palmarès de Gr.1 de son père Frankel. Ensuite, Lys Gracieux allait enchaîné les 2èmes places au plus haut niveau, notamment dans les Guinées puis les Oaks nippones. Enfin, en fin d'année de 4 ans en 2018, elle gagne son 1er Gr.1 dans les Queen Elizabeth II Stakes. A 5 ans en 2019, Lys Gracieux écrase tout sur son passage sous la selle du jeune jockey australien Damian Lane. Gagnante du Takarasuka Kinen (Gr.1), elle a même dominé les meilleurs australiens dans la mythique Cox Plate (Gr.1) de Moonee Valley près de Sydney. La voila lauréate de l'Arima Kinen, qui est la plus grande course de l'année au Japon, plus que la Japan Cup. de plus en plus impressionnante, elle a laissé sur place ses adversaires dans la ligne droite...