Guy Chérel organise sa défense avec son avocate : j'ai la conscience tranquille
Guy Chérel dans son élevage dans la Manche.
" J'ai été accusé d'association de malfaiteurs, de détention de substances illicites" témoigne Guy Chérel, joint au téléphone mercredi midi, au lendemain de sa sortie de garde à vue. "J'ai entendu des mots qui dépassent l'entendement et des propos invraisemblables de la part de gens qui ne connaissent rien à notre activité. Je soigne mes chevaux pour leur bonne santé. Je n'ai rien à me reprocher et j'ai la conscience tranquille. D'ailleurs, mon avocate m'a indiqué qu'il n'y avait rien dans le dossier. En attendant, je ne vais plus avoir de licence ! il s'agit d'une enquête de la Police qui n'a rien à voir avec France Galop, qui n'était d'ailleurs pas au courant de cette affaire. Les enquêteurs se basent sur 7 cas de chevaux testés positifs lors des 10 dernières années, le dernier ayant été Lachlan Bridge, en août 2016. Mais à chaque fois, il s'agissait de problèmes de délais de rémanance (NDLR : délai au bout duquel le cheval peut recourir sans être positif après un soin, annoncé par le vétérinaire selon les données fournies par le fabricant du médicament) sur des traitements assez bénins, jamais de la vie pour un cas de substances de doping grave."
L'affaire en question a été rendue publique par un article du Parisien publié lundi soir, qui comporte quelques erreurs, approximations, raccourcis erronnés de la part de la fameuse "source proche du dossier" qui ne dit pas son nom. " J'ai été interpellé non pas à Maisons-Laffitte mais à mon domicile en Normandie", poursuit Guy Chérel. "J'ai des ordonnances pour tous les produits présentés comme illicites. Souvent, les vétérinaires laissent sur place les médicaments à administrer au quotidien car ils ne reviennent évidemment pas tous les jours. Parmi les produits en question, il y a par exemple la calmagine, que la juge d'instruction m'a reproché d'avoir dans mes écuries. Mais la calmagine, comme son nom l'indique, est faite pour calmer les douleurs des chevaux, et cela permet de sauver beaucoup de chevaux surtout dans les cas de coliques. Quand on a des chevaux dans une écurie, il faut toujours avoir de la calmagine sous la main pour un traitement en urgence. Le problème est que les gens qui mènent l'enquête, de même que la juge d'instruction, ne sont pas du tout au fait des particularités des chevaux de courses et plus simplement des soins à apporter aux animaux."
Maitre Gaudillière
Voilà pourquoi l'avocate de Guy Chérel, Me Gaudillière, se montre très confiante. " Il y a eu pour l'instant un problème de méconnaissance du monde des courses. L'accusation se base sur des contrôles effectués par France Galop entre 2013 et 2016, où chacun des cas positifs relevaient de problèmes de délais de rémanance après des soins, (NDLR : où les chevaux avaient pourtant couru plusieurs jours après le délai indiqué comme sûr). Pourtant, Guy Chérel aurait lésé les parieurs ! Mais ce genre de cas peut arriver à peu près à tous les entraîneurs ayant plus de 10 chevaux dans leurs écuries. On ne peut tout de même pas reprocher aux courses ne pas contrôler très rigoureusement les cas de doping. Les courses sont 100 fois plus contrôlées que l'ensemble de tous les autres sports en France ! Et pourtant, il a été fait appel à des laboratoires et des pharmacies totalement externes au monde des courses de chevaux. Maintenant que la juge va réaliser son instruction à charge et à décharge, elle va faire appel à des connaisseurs compétents en la matière, à commencer par un laboratoire et une pharmacie accrédités en biochimie équine. Dès lors, le dossier va se dégonfler tout seul."
Le cabinet de Me Gaudillière est spécialisé en la matière. Avocate pénaliste, elle traite des cas de chevaux à hauteur d'environ 10% de son activité. Par ailleurs, son cabinet abrite une personne qui effectue justement une thèse en ce moment sur le dopage chez le cheval. " J'ai traité beaucoup de cas similaires et 90% d'entre eux se sont terminés par une relaxe. J'espère donc un non-lieu. En revanche, je ne peux estimer le délai car cela dépend entièrement de la rapidité d'éxecution du cabinet d'instruction, qui est très variable selon les cabinets. En tout cas, dans la pratique, à partir d'aujourd'hui, nous allons rentrer dans l'instruction spécifique d'un dossier technique, ce qui fait toute la différence. Malheureusement, c'est tombé sur Guy Chérel et cela est dramatique pour lui."
Le dernier cas de contrôle positif pour un cheval de Guy Chérel, qui a conduit à une suspension de 3 mois pendant l'hiver 2016/2017, remonte à l'été 2016. Il s'agit de Lachlan Bridge, transféré de chez un collègue par son propriétaire en cours d'une carrière où il ne réussissait plus rien. " Dès que je l'ai reçu, je l'ai montré à un vétérinaire de Chantilly qui m'a indiqué que le cheval était bourré d'ulcères, et qui m'a proposé de la traiter avec de la Ranitidine. Nous avons fait cela une 1ère fois, en respectant scrupuleusement le délai de rémanence, et le cheval a terminé 3ème pour sa première tentative. Vu que le résultat était tout à fait satisfaisant, nous avons recommencé dans exactement les mêmes conditions, nous avons gagné à Clairefontaine mais là, le contrôle a été positif."
Auparavant, donc, les autres cas positifs ont été révélés dans des circonstances comparables. " J'ai eu tout d'abord Roquemaure, qui avait été soigné avec de l'iode pour son dos. Mais lors de l'administration du soin, comme le cheval tapait, le véto lui avait donné du sédivet pour le calmer. Le problème est qu'il ne m'a pas prévenu de cela et le cheval a été disqualifié d'une victoire à Enghien." Le cheval a recouru et regagné ensuite. Un peu plus tard, le 23 septembre 2009, Rubis sur Ongle est disqualifié à Auteuil. " J'avais récupéré le cheval de chez son propriétaire fin août. Il avait été infiltré début août sur place mais avec une dose importante qui ne m'avait pas été signalée comme telle. En fait, il faudrait faire un contrôle anti-doping complet à chaque cheval qui arrive de l'extérieur..".
Le 25 mai, Virtual Player est disqualifié de sa 3ème place dans le Prix Le Gualès de Mézaubran, là encore pour une histoire de délai. Il avait été infiltré dans un suspenseur, avec un produit habituellement administré dans une articulation. Le cheval élimine plus lentement dans un muscle que dans une articulation et la rémanence s'est révélée plus longue que prévue. Enfin, Aigrette de Loire est disqualifiée d'une victoire à Fontainebleau le 16 septembre 2016. " Cette jument AQPS revenait en plat et faisait une semi-rentrée, mais après avoir gagné une Listed à Auteuil, elle a gagné en se promenant. Comme je craignais pour son dos fragile, je l'avais traitée 22 jours avant la course, sachant que le délai annoncé était de 15 jours. Mais comme le véto était en rupture de stock du produit pour équin, il a utilisé une version pour les bovins ! J'aurais dû porter plainte à chaque fois contre les vétos, mais je ne l'ai pas fait car je ne suis pas procédurier par nature. C'est un tort."
Dans son article, le Parisien cite un vétérinaire interpellé dans une pharmacie dans la Seine-et-Marne. " Ce n'est pas un vétérinaire mais un pharmacien avec qui je travaille depuis 2003, bien connu des professionnels dont beaucoup font appel à lui pour une raison simple. Il est très efficace pour trouver des produits spécifiques demandés par les vétérinaires et nous les livrer directement dans les écuries dans des délais très courts. Cela nous évite des déplacements et nous fait gagner beaucoup de temps."