Comment reconstruire les courses après 10 ans de suicide collectif ?
La situation des courses n'est pas sans rappeler celle du monde de l'agriculture en France, qui depuis l'après-guerre a vendu son âme en créant ces fameuses coopératives devenues des monstres destructeurs ne travaillant plus que pour leur propre intérêt au détriment de la masse des agriculteurs eux-mêmes. Le résultat est une guerre civile d'acteurs s'arrachant les restes, un affrontement ultra violent entre les "gros" et les "petits", et des suicides en série, au figuré mais surtout au propre.
Les acteurs des courses ressentent à peu près la même chose à l'égard de leurs institutions supposées être à leur service et non l'inverse. A l'heure du plan d'économie présenté pour échapper à la cessation de paiement, beaucoup se révoltent et balancent sur le tapis des rancoeurs longuement contenues. Ils accusent les institutions d'avoir été incapables, par faiblesse, par aveuglement, par défaut de courage ou autre défaut du genre, d'assurer une bonne direction du "bateau courses" , devenu un paquebot sans capitaine qui a heurté l'iceberg. En effet, notre Titanic coule, avec toute ses richesses à bord qui ne sont qu'illusoires et inutiles. Le problème est qu'un colmatage annuel ne fera que repousser le naufrage.
La méthode Macron ?
Il s'agit aujourd'hui non pas tant de s'entretuer pour monter sur les canots de sauvetage, qui seront également engloutis de toute façon, mais de tout changer, le moteur et la carlingue, l'ensemble conduit avec une vision d'avenir. Cela signifie faire du Macron, non pas réformer mais transformer, se débarrasser des parasites, laisser les premiers de cordée (petits ou gros) emmener tout le monde, ou autrement dit remettre l'église au milieu du village en s'appuyant uniquement sur les fondamentaux qui font marcher la société dans toute sa variété.
Aujourd'hui, il est assez injuste de vouloir étrangler Olivier Delloye, le directeur de France Galop qui présente le projet. Lui, qui au moins ne manque pas de courage ni de capacité de travail est en effet arrivé récemment à la tête de la maison-mère. Il se retrouve précisement dans la position inconfortable du type qui a accepté de prendre la barre du Titanic juste au moment de l'impact.
Les délires du PMU
Ce choc était archi prévisible. La multiplication délirante des courses, le gavage jusqu'à en vomir de non-événements, la déstructuration totale des programmes régionaux, ont conduit à la mort des courses. Le public, dont déjà personne ne s'était déjà occupé des décennies, a fini par fuire des hippodromes devenus des mourroirs. Les dirigeants de société de courses ont été emprisonnés, de gré ou de force, dans un système dont le seul but est de faire tourner des animaux en rond, sans âme et sans vie, mais à des horaires et des dates impossibles pour le public mais qui conviennent aux technocrates du PMU.
Dans une "entreprise" réputée comme la plus belle planque de l'hexagone, ces derniers ne brillent pas pour leur passion des courses ni leur attachement à ceux qu'ils sont pourtant payés pour servir : les acteurs et les turfistes, considérés comme les loosers puants et croupissants dans les arrière-salles de troquets livides. Nous parlons là des fameux bars PMU, le réseau en dur dont on ne cesse d'entendre qu'il fournit encore la quasi totalité du chiffre d'affaires. Pourtant, les patrons de bar PMU n'ont que des plaintes à livrer : sous payés (2% du CA, soit 3 fois mois que la FDJ) et laissés à l'abandon dans le meilleur des cas. Le PMU maltraite ceux qui sont tout de même ses premiers commerciaux au quotidien. Et après on se demande pourquoi le chiffre d'affaire plafonne ! Quant aux enjeux sur internet, dont on nous dit qu'ils ne progressent que peu, il n'y aurait donc qu'au PMU que le web n'a pas pénétré la société...
Et les propriétaires dans tout cela ? Evidemment ils sont disparus. Les survivants ont un grand courage, ou la chance de ne jamais être allés sur un hippodrome pour gagner une course à 11H30, dans l'indifférnce générale. On a pensé que les propriétaires avaient des chevaux de courses pour l'argent, et que les allocations suffiraient à leur contentement. Quelle erreur philosophique majeure ! Symbole visible du drame, Equidia est une chaîne qui a été envoyée dans le mur sous la direction d'Eric Brion, viré en 2016 après 13 ans, malgré les efforts de Xavier Hurstel, le parton du PMU. Ce dernier part aussi, pas à coup de pied dans le cul mais ayant bien senti le vent du boulet. Il s'est permis un communiqué de presse qui a provoqué un véritable écoeurement chez les socio-professionnels qui sont parvenus à aller au bout de ce fleuve d'autosatisfaction.
Les courses actuelles n'ont plus aucune raison d'être
Les courses, par cette politique, sont donc devenues des spectacles sans spectateurs et même sans acteurs, tant le manque de partants est cruel. Dans l'état actuel des choses, elles n'ont donc, dans le fond, plus aucune raison d'être. Pendant des années, on n'avait pas le droit de dire cela, car on nous retorquait que l'argent roi rentrait dans les caisses, et donc que les acteurs, du jockey à l'éleveur en passant par le propriétaire et l'entraineur, mais aussi tout l'aéropage des bénévoles et organisateurs, avaient juste le droit de fermer leur gueule en applaudissant pour l'argent que les haut commandeurs avaient la générosité de leur distribuer. Sauf que tout cela est une bulle. Aujourd'hui, le comble est que les courses sont plus riches que jamais, et plus pauvres que jamais en même temps. Monté vers des paradis artificiels, le système entame une chute très brutale. A moins que pour éviter le bad trip, nous prenions le taureau par les cornes.
Et maintenant, qu'allons-nous faire ?
Le terme "nous" est pris à dessein, car nous sommes tous complices de ce suicide. Si les dirigeants n'ont pas dirigé dans la bonne direction, nous tous les avons suivis aveuglément. Nous avons vendu notre âme. Cela ne veut pas dire que le prix pour la racheter sera cher. Mais il faut faire un grand ménage d'automne, qui passera sans doute, et dans la plus grande urgence, par des Etats Généraux des courses, afin de sortir de l'ornière, de refaire des hippodromes un lieu de vie, avec un plan d'action à définir ensemble, la tête rafraichie par des idées neuves que nous aurons plaisir à explorer dans un prochain bulletin. Car il n'y a aucune fatalité à la crise actuelle. Tant de choses ont été mal faites récemment qu'il se sera pas si compliqué d'améliorer la situation. Citons pour conclure Bernard Werber (les fourmis) : " Les bons éléments sont ceux qui trouvent les solutions, les mauvais sont ceux qui trouvent des excuses. "