L'Aga Khan : et tout commença par la vente de Blushing Groom !

Au décès de son père, Karim, alors âgé de 23 ans, se trouve immédiatement plongé dans l’univers des courses. Les éleveurs français attendaient les réponses de Karim aux 3 questions suivantes :

1 - Les pur-sang seraient-ils vendus ?

2 - La tradition familiale serait-elle perpétuée ?

3 - Alec Head continuerait-il à entraîner les chevaux en France ou serait-il remplacé ?

Tout le monde attendait…

Derrière ses 3 jockeys, Karim Aga Khan triomphe dans le Prix de Diane.
Il y a tout juste 50 ans, tout aurait pu pourtant s'arrêter.

Charlottesville fait briller la casaque verte coup sur coup dans le Prix Lupin (le 29 mai), le Jockey Club et le Grand Prix de Paris, bonne raison pour reprendre l’entreprise familiale. Mais le jeune homme qui a fait des études d’économie à Harvard, s’impose un délai de réflexion marqué par la déroute de Charlottesville dans l’Arc, puis, en fin d’année, la première place de l’écurie au palmarès des propriétaires.

Finalement, c’est oui, plus par devoir que par passion alors inexistante, mais avec à l’horizon la perspective de moderniser un élevage affaibli par deux successions rapprochées.

Charlottesville, le 1e champion de Karim Aga Khan, hérité de son père en 1960

Il a fallu plusieurs années avant que Karim puisse consacrer assez de temps et d’énergie à restaurer l’influence familiale sur les plus grandes courses européennes. Karim Aga Khan a des idées nouvelles et une approche originale de l’élevage. Il essaie d’améliorer et de ranimer certaines vieilles familles. Il fait clairement savoir qu’il est aussi ambitieux que son grand-père qui avait si bien réussi.

Il faut rappeler quatre dates capitales dans l’organisation de l’entreprise.

Alec Head avait eu le mérite de pousser le père de Karim à réformer bon nombre de ses poulinières et de ses pouliches après la mort du "vieil" Aga Khan. Ce faisant, il avait déplu à de nombreux vieux employés dans les divers haras en France et en Irlande. Alec Head était en partie responsable de la réduction du nombre de poulinières de 140 à près de la moitié. Ce qui a certainement contribué à aider Karim, car il dut payer des droits de succession deux fois en relativement peu de temps.

L'Aga Khan III

A bien des égards, la décision prise de se séparer de l’équipe de son père fut sage. La vieille garde n’aurait pu ni comprendre ni s’adapter aux changements radicaux qui furent nécessaires à l’époque. Les comptables et les conseillers financiers envisageaient des remaniements importants. Karim entama des discussions avec les assistants qu’il s’était choisis. Il projeta des innovations et établit les estimations des dépenses nécessaires pour faire marcher les haras et les écuries. Ce fut une décision difficile de se séparer d’Alec Head et de remplacer cet entraîneur expérimenté.

- 1964 :

Alec Head est remplacé par François Mathet, qui, à son décès en janvier 1983, est relayé par Alain de Royer-Dupré.

- octobre 1977 :

Tout commença par la vente de Blushing Groom afin de couvrir les frais d’exploitation de ses haras. Après ses succès des Prix Morny, de la Salamandre, du Grand Critérium, de la Poule d’Essai et sa 3e place du Derby d’Epsom, ce petit cheval alezan fut vendu pour un prix énorme à un syndicat américain présidé par John Gaines, propriétaire de Gainesway Farm, à Lexington dans le Kentucky.

Aujourd'hui encore, l'influence de Blushing Groom reste considérable, ne serait-ce qu'en temps que père de mère de Goldikova...

Le produit de cette vente aida Karim à financer l’achat des juments de Madame François Dupré, décédée au printemps. L’achat porte sur 83 chevaux et parmi eux figure le yearling Top Ville… (petit-fils de Charlottesville) vainqueur du Prix du Jockey-Club 1979 sous la monte d’Yves Saint-Martin et futur père d’une jument au cœur de l’actualité, Darara (Dar Re Mi et Rewilding). Chantilly lui réussit puisqu’il est le père de mère des gagnantes de Diane, Caerlina et d’Egyptband, d’un vainqueur de Jockey-Club, Montjeu.

- juin 1978 :

Acquisition de 144 chevaux de Marcel Boussac (décédé en mars 1980) dont Acamas, fraîchement lauréat du Prix du Jockey-Club.

- avril 2005 :

Reprise de la totalité de l’effectif de Jean-Luc Lagardère, soit 188 chevaux dont l’étalon Linamix et deux haras, Ouilly et le Val Henry (revendu en octobre 2008).

Blushing Groom, vendu en 1978 pour une très forte somme comme étalon aux Etats-Unis.
Il permet à l'Aga Khan de réinvestir dans l'achat des élevages Dupré et Boussac.

Les succès dans les classiques européens pour Karim Aga Khan, en tant que propriétaire, commencent par 1921, année des achats de son grand-père. La jumenterie de l’Aga Khan III et du prince Aly Khan ne pouvait être comparée qu’à celles du 17ème Comte de Derby et de Marcel Boussac. C’était un lot de poulinières merveilleuses. En septembre 1921, aux ventes de yearlings, Lady Sykes présenta une pouliche de Tracery et Blue Tit qui attira l’attention des gros acheteurs. Deux enchérisseurs étaient intéressés : Lord Glanely et l’Aga Khan. Ce fut finalement George Lambton (agissant pour le compte de la casaque verte) qui remporta la dernière enchère. Celle-ci décida du sort de cette pouliche qui fut nommée, Teresina. Elle se révéla un choix judicieux autant sur la piste qu’au haras. Elle vécut jusqu’à l’âge de 26 ans. Par Princess Yasmin elle donnera Sendawar.

Le Prince Aly Khan en compagnie de son jockey Roger Poincelet

Cependant, la famille la plus influente exploitée par le prince Aga Khan III fut celle de la si rapide Mumtaz Mahal, achetée, yearling à Lady Sykes (encore elle !). Elle fut retirée au haras après sa campagne de 3 ans. Elle est l’aïeule de Petite Etoile (1000 Guinées, Oaks, Champion St.), d’où Zainta et Zarkava (Prix de Diane). Par quelques autres de ses filles, s’en suivront au niveau classique les noms de Nucciolina, Kalamoun (père de Bikala, un futur étalon Lagardère), Shergar, Nishapour (père de Mouktar et Shemaka), Alamshar (petit-fils de Shahrastani)…Aliysa (Oaks sur la piste) et Mandesha, bien que n’étant pas gagnante classique (malgré ses victoires du Vermeille, de l’Opéra et de l’Astarté) descendent de cette souche.

Une des poulinières favorites de l’Aga Khan III fut Masaka (par Nearco et Majideh par Mahmoud). Elle était une pouliche courageuse qui réalisa le doublé Oaks anglaises et irlandaises en 1948. Sa mère remporta les Oaks irlandaises en 1942. Cette famille fut introduite en 1928 par l’achat de Qurrat Al Ain. Sa descendance donnera le double vainqueur du Derby anglais et irlandais, Kahyasi, futur père des gagnantes de Diane, Vereva et Zainta, puis grand-père maternel de Zarkava.

Un tout jeune Karim Aga Khan, interviewé par un tout jeune André Théron !
(remerciements particuliers à l'APRH pour ses incroyables archives...)

Vareta, élevée par Louis Champion et gagnante du Prix de la Forêt (pour les couleurs du Vte Pierre de la Grandière entraînée par René Pelat) devant Polic (Dupré), Martine (Aly Khan) et Janiari (Boussac) sera achetée à l’amiable par le prince Aly Khan en 1956. Elle est à l’origine des classiques, Zeddaan, Ashkalani, Zalaiyka…Cette fameuse Martine sera la mère de Diamond Drop (fille de Charlottesville, le premier classique de Karim) d’où Shahrastani (grand-père de Alamshar) et Shemaka.

Les élevages Dupré, Boussac, Lagardère sont trois mines d’or ajoutées à celle forgée par son grand-père. Cela constitue présentement un ensemble unique dans l’univers du pur-sang.

Top Ville (petite-fille de La Sega, Prix de Diane et Poule d’Essai), Mouktar (par Nishapour), Natroun (fils de Akarad, élevage Boussac), Vereva (par Khayasi, élevage Aga Khan) sont issus des élevages d’Ouilly de Monsieur et Madame François Dupré.

Akarad (père de Natroun, un Dupré, de Resless Kara, une Lagardère), Darshaan (père de Dalakhani, de Darsi et grand-père de Zainta), Ebadiyla, Daryaba, Sinndar, Dalakhani (dont le grand-père maternel se trouve être Miswaki, à l’origine de Sea The Stars, le nouveau sire de Gilltown Stud), Darsi, sont issus des élevages de Fresnay le Buffard, celui de Marcel Boussac.

Sarafina, une bête de course

 
Dimanche dernier, Sarafina a offert au prince Karim son 36ème classique. Le jumelé du 13 juin 2010 à Chantilly est l’aboutissement des croisements suite aux achats des années 1977 et 2005. La gagnante est une descendante de l’élevage Dupré (casaque grise et rose) et la seconde, Rosanara, par le sang américain importé par le Haras d’Ouilly de Jean-Luc Lagardère.

Le haras d’Ouilly, époque Lagardère a fourni à Son Altesse depuis 2005, outre Rosanara (Prix Marcel Boussac), Siyouni (Grand Critérium), Rajsaman, Varenar (La Forêt), Manighar, Ashalanda, Alnadana, Montmartre (Grand Prix de Paris), Sageburg (Ispahan), Vadawina (Saint-Alary), Valixir (Queen Anne St., Ispahan), Carlotamix (Critérium de Saint-Cloud) et bien d’autres encore….