Dariole: la patisserie du Nord

L'Elevage Wattinne a été fondé au Haras de Blingel situé à Auchy les Hesdin dans le Pas de Calais en 1913 par Gustave Wattinne, industriel dans la filature, par ailleurs créateur et premier président des courses du Touquet. En février 2009, aux ventes d'Arqana à Deauville, 23 poulinières, 14 yearlings et 2 pouliches de deux ans sont présentés sur le ring. La famille Wattinne y passe son effectif pour cause de cessation d’activité. Une page se tourne après 100 ans d’existence.

Dariole

Le n°192, porte le nom de Dariole (du nom d’une ancienne patisserie) ; Patrick Barbe l’emporte pour 10.000 € alors que présentée, yearling en août 2008, elle avait été rachetée pour 23.000 €. Son petit-frère, De Vous à Moi, né en 2008, par Sinndar, prend la direction du Sud-Ouest, achetée par Jacques Ortet pour 11.000 € et leur mère, Dzinigane, est adjugée 23.000 € à Paul Nataf.

Ce jeudi 22 avril à Saint-Cloud, elle a passé le cap du classicisme en devançant A Media Luz et l’anglaise Middle Club, gagnante du Prix d’Aumale (Gr.3) à 2 ans à Chantilly (entraînée par Richard Hannon, le spécialiste des 2 ans…) à l’issue d’une lutte farouche. Le juge à l’arrivée affiche, encolure et dead-heat.

Dans le Prix Pénélope, Dariole venge sa mère Dzinigane, 2e de cette épreuve en 2002.

Son mentor semblait quelque peu ému ; sa pensionnaire venait de rendre hommage à son père, Highest Honor (élevé par Lady O’Reilly), disparu en juin 2009, un gris que Pascal Bary entrainait et adorait. Il était lauréat des Prix Djebel (L.) et du Prix d’Ispahan (Gr.1), 2e de la Poule d’Essai (Gr.1) et du Prix de la Forêt (Gr.1), 3e de Triptych dans le Ganay (Gr.1).

Highest Honor est fils de Kenmare et sa mère est une fille de Riverman. Aucune trace de Northern Dancer. Par contre le sang de Nasrullah prédomine. Dans le sang de Dariole, la seule trace par alliance du chef de race se trouve à travers Exit to Nowhere, son grand-père maternel, qui descend d'une soeur de Northern Dancer. C'est donc assez discret...

Avec Dariole et le jocket Gregory Benoist, Helen et Patrick Barbe entourent l'entraîneur Pascal Bary.

La mère de Dariole, Dzinigane, achetée yearling à Deauville pour 26.000 € par Dominique Sepulchre puis débourrée au Haras du Chêne, a débuté victorieusement au Pin au Haras à 2 ans. A 3 ans, après une victoire à Maisons-Laffitte dans une « C », elle s’adjuge la seconde place du Prix Pénélope (Gr.3) à une encolure d’Ombre Légère. Dariole est son 4e produit mais seulement son 1e vainqueur.

Sa grand-mère, Dzietta, entraînée par Eric Danel (fidèle à la famille Wattinne, puisqu’il a eu ensuite la responsabilité de Forestier), s’est imposée à deux reprises à 2 et 3 ans à Angers et Clairefontaine. Elle est la fille d’un étalon issu d’une autre bonne souche de Blingel, Tip Moss, que la famille avait vendu à Deauville et qui a fait flores chez Noël Pelat.

Highest Honor, patriarche du Quesnay, disparu en 2009, est le père de Dariole.

Sa 3ème mère, Danizetta (par Sanctus) n’a pas fait d’étincelles sur la piste. Au haras, elle est mère de 3 vainqueurs dont l’élève de Maurice Bouland, Danigane (Kaldoun), 3e de deux « Rouget » du Grand Prix Inter-Régional des 3 ans (à Agen en 1991) et Dunnigan (Trepan), vainqueur en débutant à 2 ans à Saint-Cloud pour Rodolph Schafer (ancien propriétaire de François Boutin) et entraîné par Pascal Bary.

Mère de Dariole, Dizinigane, casaque bleu toque rouge (Yann Barberot), a échoué
tout prèsd'Ombre Légère dans le Prix Pénélope 2002.

La 4e mère, Dannes (Mourne), entraînée par George Bridgland, était semi-classique: 2edu Prix Thomas Bryon (Gr.3) pour les couleurs de René Wattinne (Cerise, toque bleu-clair, celles de Gustave, décédé en 1929), et ensuite du Prix de Malleret (Gr.3). Dannes a nourri une souche d'obstacle. Elle est grand-mère du précoce Multipass (Sillery), vainqueur du Prix Georges de Talhouët-Roy (Gr.2), et Dalina (Trempolino), 2e du Prix Amadou (Gr.2) pour Etienne Leenders, mais aussi Danissima. Cette dernière s'est illustrée dernièrement en tant que mère de Dulce Leo, vainqueur en steeple-chase à Auteuil la veille du Prix Pénélope, après avoir remporté une listed en haies à Enghien. Dulce Leo a été élevé par Christian Wattinne, le fils, qui a conservé 5 poulinières désormais placées en Normandie.

Lointain cousin de Doriale, Dulce Léo brille actuellement sur les obstacles d'Enghien et Auteuil

Toute cette souche s'est fixée à Blingel grâce à Dulcimer,importée à l’issue des ventes de Newmarket en 1949. Elle n’est autre que le petite-fille de la championne Dorina, gagnante du Grand Critérium, des Prix de Diane et Vermeille et seconde du Prix de l’Arc de Triomphe à 3 ans en 1926 derrière Biribi. Cette Dulcimer mettra au monde trois pouliches, bases de cette famille, Dulzetta, Dulciani et Dulciora.

Dulzetta (Bozzetto) a gagné 2 courses à 3 ans pour René Wattinne, entraînée par Alexandre Lieux. Au haras, outre Dannes, elle donnera Doronic (Worden), 1e du Prix Cléopâtre (Gr.3) et 3e du Prix de Flore (Gr.3). Cette dernière se rendra célèbre en poulinant d’un fils par Sanctus : Dictus qui se révèlera à 4 ans un miler de grande qualité, vainqueur du Prix Jacques Le Marois (Gr.1), 2e des Queen Elizabeth II St. (Gr.2) à Ascot. A 3 ans, il fut également 4e des Champion St. (Gr.1) derrière Nijinsky  et Gyr (excusez du peu). Alezan clair avec de grandes chaussettes blanches, Dictus portait les couleurs José M. Soriano et était entraîné par Robert de Mony-Pajol. Il avait été acquis, yearling, aux ventes de Deauville pour 64.000 F. Au haras, il termine à trois reprises sur le podium des pères de vainqueurs de 1981 à 1983, et a été exporté au Japon en 1981, où il est mort 8 ans plus tard. Doronic sera la grand-mère également de Dictia, mère de Diable au Corps (Gr.3 à Francfort et 3e du Prix Lupin d’Epervier Bleu) et de Dis Moi Tout (Prix La Sorellina).

Dictus et ses 4 jambes blanches

Dulciani (Sayani) portera les couleurs de Roger Wattinne (Rouge, brassards bleus, toque rouge) et se classera 3e de la Poule d’Essai des Pouliches derrière Yla (Prince Aly Khan) et Reluisante (Mme C. Del Duca). La meilleure des 3 soeurs en piste, elle sera l'inverse au haras. Seul Dulcio (Mincio) percera sur les obstacles, vainqueur du Grand Prix d’Automne et 2e de Le Grognard dans le Prix du Président de la République.

Enfin, Dulciora (Pan) quadruple gagnante à 3 ans, donne ensuite naissance en 1968 à Delphinia (Marino) qui après un succès dans un gros handicap-Listed pour Michel Wattinne (Rouge, ceinture et toque bleu-clair) termine 2e de Sega Ville (future mère de Top Ville) dans le Prix de Flore (Gr.3). Cette bonne Delphinia sera la mère de Darly dont le compteur affiche 7 victoires dont les Prix Exbury (Gr.3), d’Hédouville (Gr.3), 2e du Prix d’Ispahan (Gr.1) pour Georges Blizniansky et David Smaga avant de devenir étalon. Mais cette remarquable matrone a aussi donné D'Arras (1e Prix Noailles, Gr.2), Deliballe et Dauphin du Roi, des gagnants de Listed, ainsi que Delphinskaia, la future grand-mère du champion des haies d'Auteuil Don Lino. On revient souvent aux obstacles, finalement...

Don Lino, un autre cousin de la famille qui est monté au top niveau d'Auteuil.

D'ailleurs, n’oublions pas qu’outre cette souche, le haras de Blingel a donné des classiques très variés tels que Le Touquet (Grand Steeple-Chase de Paris), Royalebuchy (3e Prix de Diane), Cernobbio, Azincourt, Crylor, Carvin, Tip Moss, Twig Moss (2e Prix du Jockey-Club) et plus récemment, Coral Dance (2e Prix Marcel Boussac puis mère de Pennekamp), Abbatiale (2e Prix de Diane), Forestier, etc...

Impressionnant Tip Moss, élève de Blingel et père de la grand-mère de Dariole.

Voici résumé l’une des meilleures familles du Haras de Blingel, créé par Gustave, relayé par ses fils, René et Roger et ses petit-fils, René-Jean et Michel, dans une région qui était par tradition une terre d’élevage du cheval boulonnais. Actuellement, Blingel a été repris pour une activité de sport équestre. Les familles Wattinne et Le Gentil (haras d’Estruval à Vieil Hesdin) ont prouvé que l’élevage de pur-sang anglais pouvait exister là-haut. Mais ils ne sont pas légion. Ch’est le Nord !